
«Bonjour. Je m’appelle Bert Persson, je suis directeur au ministère des affaires sociales et je vous souhaite la bienvenue au séminaire sur la phase terminale de l’être humain organisé par nos soins. » Protocolaire, glaçant, le début de La Mort moderne donne le ton. Pays : Suède. Époque : indéterminée. À l’origine de ce groupe de travail, un constat sans appel : une société asphyxiée par la pression fiscale, le chômage et surtout les retraites. Dans son introduction, Bert Persson, le modérateur, n’y va pas par quatre chemins : « Pour dire les choses de façon brutale, il va bientôt nous falloir pas mal de morts. Mais comment nous y prendre ? »
Il ne s’agira donc pas, durant ce séminaire, de chercher des remèdes mais plutôt de planifier un genre de « solution finale », d’organiser la mort des plus de 70 ans, via une « obligation librement consentie ». L’ombre du nazisme plane mais Persson s’en défend. Aksel Rönning, la voix de l’opposition, ne manque pas de relever la filiation : « “Gemeinnutz geht vohr Eigennutz” (L’intérêt commun passe avant l’intérêt particulier), disait (…) Hitler. » À quoi il sera rétorqué : « Mais on peut se demander s’il est normal que le simple nom de Hitler bloque également des formes douces et humaines de sélection pouvant s’avérer nécessaires pour sauver une nation de la ruine. »
Théoricien du groupe travaillant à l’Institut d’éthique médicale, Caspar Storm a nommé les forces antagonistes : « L’économie face à l’éthique (…), la valeur sociale face à la valeur humaine. » En effet, précise-t-il, le concept de « valeur humanitaire », définie par « l’utilité de l’existence future de tel ou tel individu, évaluée en argent », doit désormais s’imposer. De quelle manière ? En s’attelant à un « travail de manipulation », en particulier des personnes âgées, afin qu’elles choisissent par elles-mêmes d’en finir. « Nous avons là l’exemple type de la façon dont une réforme doit être menée pour s’imposer, en Suède. Sous une apparence de mouvement venu d’en bas, des profondeurs du peuple, elle est en fait venue d’en haut. »